Les mots surlignés font l'objet d'une note
1Monsegneur, je n’estime pas que le roy vous envoye aucung
2taux comme vous en demandés par voz lettres du XXXe du passé,
3lequel le lieutenant de monsegneur le prince daulphin et
4son marechal de lougis, qui est party, ont poursuivi sans
5l’avoir peu obtenir. Mais ilz disent que la gendarmerie
6fera monstre et qu’elle [sera] payé. C’est la response
7que m’en ont faict messieurs les secretaires d’Estat, comme
8je les ay solicités de vous faire respondre à ce que vous en escriviés.
9Ledit marechal des lougis me parla que ses gensdarmes seroient
10contrainctz tenir les champs en Daulphiné si cela advenoit ; il
11s’en ensuivroit ung trop grand desordre, duquel au fort il
12faudroit que le reglement sortit que seroit de faire ung taux ;
13lequel aussi bien ne se pourroit faire yci et faudroit que vous
14treuvoissiés, comme l’année precedente messieurs du pays me solicitèrent
15de faire, que la declaration qu’ilz obtindrent l’année passée
16de me fournir vivres leur soit observée et d’en prendre s’il est
17de besoing novelles lettres patentes. J’attens ce qu’il vous plaira
18respondre aux remonstrances de Cugy et du Cheylar, que
19je vous ay envoyées dernierement par le capitaine La Coste. Ce
20pendant, voyant qu’ilz alloint après monsieur de Morvilliers,
21je luy ay faict voir ce que je vous en ay envoyé, où jay
22adjousté que aussi bien eussiez-vous pourveu à faire
23abbattre les tableaus diffamatoires, comme de votre movement
24vous aviez faict biffer et effacer à coupz d’harquebuse par
25les soldatz du capitaine Boquin certaine escriture gravée
26en une pierre sur la breche du Montelimart contenant
27chose diffamatoire contre ceux qui y aurint mis le siège.
28Je les voy et parle à eulx quelzques foys, et au sieur de Saint-Romain,
29ezquelz je ne cognois que passions demesurées, sans fondement
30que se puisse soustenir. Je ne suis tant affectionné à aucung
31party que je ne cogneusse bien si la raison seroit pour eux.
32J’ay faict entendre à la royne et audit sieur de Morvilliers combien
33les gens d’honneur et bons serviteurs du roy du Daulphiné et
34plusieurs de ceste court se treuvent scandalisés de voir à present
35ses gentz se hurter contre les lieutenens generaulx du roy et
36contre ses cours de parlement et de s’élever à telle audace.
37[v°] La royne me dict que ce n’estoit pas à elle à qui
38ilz s’addressoint pour ce regard, et qu’ilz n’y seroint pas les biens
39venus ; Monsieur de Morvilliers, que le roy y pourroit pourvoir.
40La royne s’esmeut grandement quand je luy dis que le sieur
41de Montbrun avoit faict contenance de mander gens pour
42envoyer en Flandres et que ceulx de ladite religion se faisoint
43ouyr en avoir mandement d’ung Grand, et que ce mesme Grand
44les avoit contremandés ; que ceulx que nous tenons pour Grandz
45n’en eussent point faict de mandement sans l’auctorité du roy,
46ny le roy sans en advertir son lieutenant general ; et que s’estoit ung
47grand scandale aux bons subgetz du roy d’ouyr parler ceux de
48ladite religion de telle façon et qu’ilz ayent leurs chefz, leurs
49colonnelz et leurs Grandz separés de ceulx qui commandent
50soubz l’auctorité de sa majesté, et n’eust pas desagreable
51le propoz que je luy en tins ; et que du tout vous avez donné advis
52à sa majesté, mais que l’on avoit tardé fort longuement à
53vous y respondre. Le Cheylar m’a dict ses jours passés
54que le XXVIIe de jullet dernier le sieur de Miribel et sept ou huict
55gentilhommes de leur religion avoint fally à estre tués à Valence,
56où ilz s’estoint assemblés pour ung appoinctement, ce que s’est despuis
57publié par ceste cour. Je leur ay respondu, et à ceulx qui
58men parlent, que ceulx de Valence ont heu quelque occasion de
59suspecter leur venue dans leur ville, attendu le bruict qui
60avoit couru qu’ilz faisoint levée entre eulx soubz le sieur de
61Montbrun, et bien qu’ilz pretendissent le voyage de Flandres, si
62est-ce que les citoyens pouvoint croyre que c’estoit ung desseing
63dissimulé, joinct que telle entreprise s’estoit faicte couvertement
64et sans l’auctorité du roy, somme que par là, ledit sieur de Miribel
65et ses compagnons n’avoint pas faict sagement et qu’il y avoit
66heu encor grande discretion en ceulx de la ville de s’estre seullement
67mis sur leurs gardes sans leur avoir couru sus ; et à la verité,
68Monsieur, c’est temerité à eulx, attendu que c’est une ville
69sans gouverneur sur lequel le vulgaire se puisse reposer,
70dans laquelle les passans peuvent laisser plusieurs mauvaises novelles
71[fol.215], et où les habitans ont esté eschaudés et aux portes de laquelle
72l’assemblée de Montbrun s’entreprenoit. Le Cheylar me dict aussi
73que le sieur de Saint-Romain avoit adjousté deulx articles
74à leur cayer pour son particulier : l’ung que vous ne le vouliés
75laisser user d’une permission contenue en ung brevet de tirer
76de l’arquebuze ; je ne me souviens pas à present de l’autre. Au
77premier, j’ay desjà respondu que la deffence est generale, faicte
78par ordonnance publique, que vous ny la court de parlement ne
79pouvez avoir egard à tel brevet qui est escriture privée
80ne contenant aucune dérogation à l’edict prohibitf, que ledit
81sieur de Saint-Romain ne pouvoit ignorer le refus qui luy avoit
82esté faict d’auctoriser sondit brevet et qu’il avoit faict
83faute en ce que neantmoins il en auroit voulu user, que la
84rigueur en cela avoit semblablement esté tenue à monsieur
85de Lessins, et son brevet pour le port des armes deffendues
86rejetté lorsqu’il le fit presenter et à la court de parlement,
87encor qu’il soit du pays, catholique, lieutenant de la companie d’ung
88prince et qu’est plus officier provincial du roy. Je vous puis
89asseurer, monsieur, qu’ilz n’ont pas mes responses et repliques
90fort agreables. Or scay-je la response faicte sur le brevet
91dudit sieur de Lessins parce que Montbrun, de Valence, me la voulut,
92partant d’ici naguières, laisser pour poursuivre sur iceluy une patente, ce que je
93ne voulus faire, ny en prendre la charge. Je heus
94hyer matin plusieurs discours avec ledit sieur de Saint-Romain,
95et après tant de plainctes contre vous pour son particulier, il ne
96fut pas en sa puissance de m’en cotter une occasion, ny une
97particularité bien fondée, car s’il la m’avoit alleguée, je l’eusse
98bien sceu comprendre et la vous escrirois. Monsieur d’Hourche
99pourra estre devers vous plustost que la presente. On tient que
100il y a des Anglois descendus en Flandres pour le prince d’Orenge
101et que Chomberg et Bassompierre sont allé lever des reystres
102aux gaiges de la royne d’Angleterre. Il est à presumer que ce
103n’est sans la volonté du roy. Je vous pourray envoyer
104ung billet des novelles de Flandres. Il est bruict de quelque querelle
105entre les Suisses du canton de Chafouze et leurs voisins. J’ay veu ce
106matin le jeune Les Adretz qui vient de Piedmont sans avoir passer,
107comme il m’a dict, par le Daulphiné.
108Monsegneur, je prie Dieu qui vous conserve en très longue et
109heureuse vie. De Paris, ce XIIIIe aoust 1572.
110Votre très humble serviteur.
111So. De boczosel
112Jay parlé encor ce jourd’huy à la royne la plus contente
113du monde d’ouyr touttes choses qui se passent et que se
114disent pourveu qu’on ne demande poinct d’assignation.
115Monsieur de La Roche, lieutenant de monseigneur le prince
116daulphin, m’a, longtemps y a, prié vous presenter
117ses humbles recommandations et qu’il vous supplie
118luy donner ung oyseau quand il sera par-delà,
119que ne sera pas si tost comme j’estime.