Consultation

XVIII, folios:214 215
Boczosel, Soffrey de, seigneur de Chastelard
M. de Gordes
Lettre non liée
14/08/1572
Moirans
Paris

Transcription

Les mots surlignés font l'objet d'une note

1

Monsegneur, je n’estime pas que le roy vous envoye aucung

2

taux comme vous en demandés par voz lettres du XXXe du passé,

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lequel le lieutenant de monsegneur le prince daulphin et

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son marechal de lougis, qui est party, ont poursuivi sans

5

l’avoir peu obtenir. Mais ilz disent que la gendarmerie

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fera monstre et qu’elle [sera] payé. C’est la response

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que m’en ont faict messieurs les secretaires d’Estat, comme

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je les ay solicités de vous faire respondre à ce que vous en escriviés.

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Ledit marechal des lougis me parla que ses gensdarmes seroient

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contrainctz tenir les champs en Daulphiné si cela advenoit ; il

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s’en ensuivroit ung trop grand desordre, duquel au fort il

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faudroit que le reglement sortit que seroit de faire ung taux ;

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lequel aussi bien ne se pourroit faire yci et faudroit que vous

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treuvoissiés, comme l’année precedente messieurs du pays me solicitèrent

15

de faire, que la declaration qu’ilz obtindrent l’année passée

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de me fournir vivres leur soit observée et d’en prendre s’il est

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de besoing novelles lettres patentes. J’attens ce qu’il vous plaira

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respondre aux remonstrances de Cugy et du Cheylar, que

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je vous ay envoyées dernierement par le capitaine La Coste. Ce

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pendant, voyant qu’ilz alloint après monsieur de Morvilliers,

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je luy ay faict voir ce que je vous en ay envoyé, où jay

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adjousté que aussi bien eussiez-vous pourveu à faire

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abbattre les tableaus diffamatoires, comme de votre movement

24

vous aviez faict biffer et effacer à coupz d’harquebuse par

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les soldatz du capitaine Boquin certaine escriture gravée

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en une pierre sur la breche du Montelimart contenant

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chose diffamatoire contre ceux qui y aurint mis le siège.

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Je les voy et parle à eulx quelzques foys, et au sieur de Saint-Romain,

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ezquelz je ne cognois que passions demesurées, sans fondement

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que se puisse soustenir. Je ne suis tant affectionné à aucung

31

party que je ne cogneusse bien si la raison seroit pour eux.

32

J’ay faict entendre à la royne et audit sieur de Morvilliers combien

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les gens d’honneur et bons serviteurs du roy du Daulphiné et

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plusieurs de ceste court se treuvent scandalisés de voir à present

35

ses gentz se hurter contre les lieutenens generaulx du roy et

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contre ses cours de parlement et de s’élever à telle audace.

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[v°] La royne me dict que ce n’estoit pas à elle à qui

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ilz s’addressoint pour ce regard, et qu’ilz n’y seroint pas les biens

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venus ; Monsieur de Morvilliers, que le roy y pourroit pourvoir.

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La royne s’esmeut grandement quand je luy dis que le sieur

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de Montbrun avoit faict contenance de mander gens pour

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envoyer en Flandres et que ceulx de ladite religion se faisoint

43

ouyr en avoir mandement d’ung Grand, et que ce mesme Grand

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les avoit contremandés ; que ceulx que nous tenons pour Grandz

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n’en eussent point faict de mandement sans l’auctorité du roy,

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ny le roy sans en advertir son lieutenant general ; et que s’estoit ung

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grand scandale aux bons subgetz du roy d’ouyr parler ceux de

48

ladite religion de telle façon et qu’ilz ayent leurs chefz, leurs

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colonnelz et leurs Grandz separés de ceulx qui commandent

50

soubz l’auctorité de sa majesté, et n’eust pas desagreable

51

le propoz que je luy en tins ; et que du tout vous avez donné advis

52

à sa majesté, mais que l’on avoit tardé fort longuement à

53

vous y respondre. Le Cheylar m’a dict ses jours passés

54

que le XXVIIe de jullet dernier le sieur de Miribel et sept ou huict

55

gentilhommes de leur religion avoint fally à estre tués à Valence,

56

où ilz s’estoint assemblés pour ung appoinctement, ce que s’est despuis

57

publié par ceste cour. Je leur ay respondu, et à ceulx qui

58

men parlent, que ceulx de Valence ont heu quelque occasion de

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suspecter leur venue dans leur ville, attendu le bruict qui

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avoit couru qu’ilz faisoint levée entre eulx soubz le sieur de

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Montbrun, et bien qu’ilz pretendissent le voyage de Flandres, si

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est-ce que les citoyens pouvoint croyre que c’estoit ung desseing

63

dissimulé, joinct que telle entreprise s’estoit faicte couvertement

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et sans l’auctorité du roy, somme que par là, ledit sieur de Miribel

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et ses compagnons n’avoint pas faict sagement et qu’il y avoit

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heu encor grande discretion en ceulx de la ville de s’estre seullement

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mis sur leurs gardes sans leur avoir couru sus ; et à la verité,

68

Monsieur, c’est temerité à eulx, attendu que c’est une ville

69

sans gouverneur sur lequel le vulgaire se puisse reposer,

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dans laquelle les passans peuvent laisser plusieurs mauvaises novelles

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[fol.215], et où les habitans ont esté eschaudés et aux portes de laquelle

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l’assemblée de Montbrun s’entreprenoit. Le Cheylar me dict aussi

73

que le sieur de Saint-Romain avoit adjousté deulx articles

74

à leur cayer pour son particulier : l’ung que vous ne le vouliés

75

laisser user d’une permission contenue en ung brevet de tirer

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de l’arquebuze ; je ne me souviens pas à present de l’autre. Au

77

premier, j’ay desjà respondu que la deffence est generale, faicte

78

par ordonnance publique, que vous ny la court de parlement ne

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pouvez avoir egard à tel brevet qui est escriture privée

80

ne contenant aucune dérogation à l’edict prohibitf, que ledit

81

sieur de Saint-Romain ne pouvoit ignorer le refus qui luy avoit

82

esté faict d’auctoriser sondit brevet et qu’il avoit faict

83

faute en ce que neantmoins il en auroit voulu user, que la

84

rigueur en cela avoit semblablement esté tenue à monsieur

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de Lessins, et son brevet pour le port des armes deffendues

86

rejetté lorsqu’il le fit presenter et à la court de parlement,

87

encor qu’il soit du pays, catholique, lieutenant de la companie d’ung

88

prince et qu’est plus officier provincial du roy. Je vous puis

89

asseurer, monsieur, qu’ilz n’ont pas mes responses et repliques

90

fort agreables. Or scay-je la response faicte sur le brevet

91

dudit sieur de Lessins parce que Montbrun, de Valence, me la voulut,

92

partant d’ici naguières, laisser pour poursuivre sur iceluy une patente, ce que je

93

ne voulus faire, ny en prendre la charge. Je heus

94

hyer matin plusieurs discours avec ledit sieur de Saint-Romain,

95

et après tant de plainctes contre vous pour son particulier, il ne

96

fut pas en sa puissance de m’en cotter une occasion, ny une

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particularité bien fondée, car s’il la m’avoit alleguée, je l’eusse

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bien sceu comprendre et la vous escrirois. Monsieur d’Hourche

99

pourra estre devers vous plustost que la presente. On tient que

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il y a des Anglois descendus en Flandres pour le prince d’Orenge

101

et que Chomberg et Bassompierre sont allé lever des reystres

102

aux gaiges de la royne d’Angleterre. Il est à presumer que ce

103

n’est sans la volonté du roy. Je vous pourray envoyer

104

ung billet des novelles de Flandres. Il est bruict de quelque querelle

105

entre les Suisses du canton de Chafouze et leurs voisins. J’ay veu ce

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matin le jeune Les Adretz qui vient de Piedmont sans avoir passer,

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comme il m’a dict, par le Daulphiné.

108

Monsegneur, je prie Dieu qui vous conserve en très longue et

109

heureuse vie. De Paris, ce XIIIIe aoust 1572.

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Votre très humble serviteur.

111

So. De boczosel

112

Jay parlé encor ce jourd’huy à la royne la plus contente

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du monde d’ouyr touttes choses qui se passent et que se

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disent pourveu qu’on ne demande poinct d’assignation.

115

Monsieur de La Roche, lieutenant de monseigneur le prince

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daulphin, m’a, longtemps y a, prié vous presenter

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ses humbles recommandations et qu’il vous supplie

118

luy donner ung oyseau quand il sera par-delà,

119

que ne sera pas si tost comme j’estime.

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